4 LP's - 2107 S 75/1-2-3-4 - (p) 1976
4 LP's - 2107 S 75/1-2-3-4 - (p) 1976 - rectus
4 LP's - 6.35346 FK - (p) 1975
4 LP's - 6.35346 FK - (p) 1975 - rectus

Intégrale des œuvres pour clavecin par Scott Ross au château d'Assas







Jean-Philippe Rameau (1683-1764)






Long Playing 1
37' 17"
Première livre (1706)


- Prélude
2' 28"


- Allemande 6' 01"

- Deuxième Allemande 3' 02"

- Courante 2' 08"

- Première Sarabande
3' 18" |

- Deuxième Sarabande |

- Gigue 2' 40"





- Vénetienne 1' 38"

- Gavotte 1' 42"

- Menuet 1' 00"

Pièces de clavecin (1724)


- Allemande 4' 36"

- Courante 1' 52"

- Gigue en rondeau
1' 34"

- Deuxième Gigue en rondeau 2' 14"

- Le rappel des Oiseaux
3' 04"

Long Playing 2

47' 29"
- Premier Rigaudon 9' 44"
|

- Deuxième Rigadoun |

- Double du deuxième Rigadoun
|

- Musette en rondeau
2' 26"

- Tambourin 1' 07"

- La Villageoise (rondeau) 2' 51"

- Les Tendres Plaintes (rondeau) 3' 09"

- Les Niais de Sologne 2' 31"

- Premiere Double des Niais
1' 46"

- Deuxième Double des Niais
1' 58"





- Les Soupirs 5' 17"

- La Joyeuse (rondeau) 1' 09"

- La Follette (rondeau)
1' 33"

- L'Entretien des Muses 6' 23"

- Les Tourbillons (rondeau) 2' 41"

- Les Cyclopes (rondeau) 3' 31"

- Le Lardon (menuet)
0' 27"

- La Boiteuse
0' 56"

Long Playing 3
45' 53"
Nouvelles Suites de pièces de clavecin (1728)


- Allemande 8' 50"

- Courante 4' 27"

- Sarabande 2' 52"

- Les Trois Mains
5' 18"

- Fanfarinette 2' 45"

- La Triomphante
1' 45"





- Gavotte
1' 20"


- Premier Double 1' 02"

- Deuxième Double 1' 06"

- Troisième Double 1' 03"

- Quatrième Double 1' 01"

- Cinquième Double 0' 54"

- Sixième Double 0' 56"

- Les Tricotets (rondeau) 2' 35"

- L'Indifférente 2' 10"

- Menuet 1' 25"

- Deuxième Menuet 1' 27"

- La Poule 4' 57"

Long Playing 4
37' 51"
- Les Triolets 4' 10"

- Les Sauvages
1' 58"

- L'Enharmonique 6' 40"

- L'Egyptienne 2' 40"

La Dauphine (1747) 3' 02"





Pièces de clavecin en concerts (1741)


- La Coulicam (1er concert) 3' 51"

- La Livri (rondeau, 1er concert) 2' 45"

- La Vézinet (1er concert) 3' 15"

- L'Agaçante (2me concert)
2' 45"

- La Timide (3me concert) 5' 12" |

- Premiere Rondeau |

- Deuxième Rondeau |

- L'Indiscrète (rondeau, 4me concert) 1' 33"





 
Scott Ross, Clavecin (anonyme du XVIIIe siècle)
 






Luogo e data di registrazione
Château d'Assas, Hérault (France) - luglio 1975

Registrazione: live / studio
studio

Producer / Engineer
Alain Villain / Thomas Gallia


Prima Edizione originale LP
Stil - 2107 S 75/1-2-3-4 - (4 LP's) - durata 37' 17" | 47' 29" | 45' 53" | 37' 51" - (p) 1976 - Analogico
Telefunken - 6.35346 FK - (4 LP's) - durata 37' 17" | 47' 29" | 45' 53" | 37' 51" - (p) 1975 - Analogico


Note
L'anno di pubblicazione dell'edizione Telefunken (1975) è stranamente precedente a quello riportato nell'edizione Stil (1976).













Jean-Philippe Rameau
L'œuvre complet de clavecin

Jean-Philippe Rameau était issu d’une famille d’organistes de Dijon. Après avoir reçu une solide instruction musicale par les soins de son père, qui l’envoya en 1701 étudier en Italie, il se retrouva dès 1702 dans le midi de la France comme violoniste d’une troupe ambulante mais exerça essentiellement par la suite une activité d’organiste. De 1705 à 1708 il séjourna à Paris, où il publia le premier livre de ses Pièces de Clavecin. Il gagna alors sa vie en tenant de modestes postes d’organiste avant de rentrer à Dijon pour remplacer son père, mort en 1714, et reprendre finalement le poste qu’avait occupé celui-ci. Il devint plus tard organiste de la cathédrale de Clermont-Ferrand, où il écrivit son célèbre Traité de l'Harmonie. Lors de son installation définitive à Paris, en 1723, son ouvrage, paru l’année précédente, avait déjà fait grand bruit. A Paris il fut également organiste jusqu’à ce qu’il fondât en 1737 une Ecole privée de composition de musique qui attira de nombreux élèves. I trouva en la personne d’une de ses élèves une généreuse protectrice dont le mari, un des plus riches financiers de Paris, donnait dans son théâtre particulier d’importantes soirées musicales. Celui-ci fit faire à Rameau la connaissance de Voltaire et lui procura l’accès au genre du grand opéra. Si Rameau avait d’abord été considéré comme le meilleur organiste de France, il ne tarda pas désormais à être de plus en plus apprécié en tant que compositeur d’ouvrages scéniques. Louis XV le nomma en 1745 Compositeur de la Chambre.
Après la mort de Rameau il se fit un silence de plus en plus marqué autour de sa musique; dans le domaine de l’opéra on ne s’intéressait en permanence qu’à la recherche et à la découverte d’œuvres nouvelles et la musique de clavecin ne jouissait pas du même prestige que la musique instrumentale italienne. En outre la Révolution apporta également un bouleversement radical pour la musique. A l’exception de quelques connaisseurs comme Hector Berlioz, qui s’engagea dans ses articles en faveur de l’œuvre de Rameau, la grande époque de la musique française et, avec elle, le compositeur Rameau demeurèrent pratiquement inconnus au XIX siècle. Ce fut seulement l’édition de ses œuvres complètes, assurée par Camille Saint-Saëns (la publication s’échelonna de 1895 à 1914 et comprit 18 tomes), qui attira de nouveau l’attention sur lui. Des compositeurs comme Claude Debussy et Maurice Ravel découvrirent des parentés spirituelles entre leur propre musique et la musique française ancienne. Des œuvres particulières, conçues comme Hommages à Couperin ou à Rameau conjurèrent l’esprit de cette musique ancienne dans la musique nouvelle. A l'exception de très rares morceaux, les œuvres de Ramea une figuraient pas au répertoire des pianistes de concert et n’étaient pas non plus jouées dans le cadre de la musique pratiquée par les amateurs en privé. Les instruments et le style d’interprétation pianistique de l’époque étaient incompatibles avec la musique du compositeur, dont les œuvres étaient certes louées sans qu’on les jouât pour autant. A notre époque même, la musique française des XVII et XVIII siècles est, à part la musique d’orgue, singulièrement peu représentée aux catalogues de disques.
Camille Saint-Saëns, qui s’efforçait de parvenir à une connaissance encyclopédique de la musique, reconnaissait assurément la caractère particulier des œuvres et les problèmes d’interprétation qu’elles posaient mais ne savait pas pour autant les résoudre. Il déclarait en substance dans la préface à l’édition des œuvres completes: "Ici s’ouvrent des horizons inconnus sur la diversité d’idées et de jugements que le même art est suspectible de faire naître à des époques différentes. Pour pouvoir goûter la musique des siècles révolus il est indispensable de se représenter l’expression contenue dans les dessins des primitifs, que ne formule pas les sentiments de notre siècle et qu’on peut difficilement trouver dans les œuvres de notre époque. De la sorte on pourra connaître et propager un plaisir esthétique - ce qui est un excellent résultant obtenu au prix de légers efforts".
Scott Ross a cherché par l’étude des écrits théoriques et des instruments d’époque à retrouver les techniques d’exécution anciennes. Il joue un instrument français restauré datant du XVIII siècle et se distinguant considérablement de clavecins néerlandais et allemands de la même époque. Les basses en sont extrêmement sonores, le registre medium et l'aigu ont beaucoup d’éclat et la sonorité mœlleuse et pleine du registre de luth est particulièrement frappante. La durée de résonance modifiable est spécialement importante pour la musique française, celle-ci exigeant sur ce point une latitude d’interprétation se réalisant le plus aisément dans l’irrégularité des diverses valeurs de notes, notamment dans le cas des agréments. Lorsque la musique est notée en rythmes fixés exactement elle n’en compte pas moins sur des tremblements, sur la possibilité de modeler la résonance et, suivant le caractère de chaque morceau, sur une moindre accentuation des divers passages. Il s’agit là d’un idéal opposé au jeu legato prôné par d’autres traditions, pour ainsi dire d’une exécution "chantée" ou "déclamée" conforme au sens du texte, l’influence de la tradition rhétorique ne s’exerçant pas seulement sur les figures compositionnelles, mais encore sur le jeu instrumental lui-même. Une telle technique d’exécution ainsi que l’intelligence de l’art de l’ornementation étaient familières à tous les interprètes à lépoque de Rameau mais doivent être réapprises aujourd’hui et ne constituent par conséquent que des valeurs approximatives. Vue sous cet angle la tentative entreprise par Scott Ross dans le présent enregistrement revêt une signification supplémentaire.
Les œuvres pour clavecin de Jean-Philippe Rameau parurent en plusieurs recueils: Premier Livre des Pièces de Clavecin, 1706. - Pièces de Clavecin avec une méthode pour la mécanique des doigts, 1724; les deuxième édition parut ent 1731 sous le titre Pièces de Clavecin avec une table pour les agréments. - Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin avec des Remarques sur les différent; genres de musique, 1728; la deuxième édition, publiée en 1746, renferme en outre les Pièces en concert dans l’arrangement de Rameau pour clavecin seul, morceaux qui avaient paru en 1741 dans la distribution pour clavecin avec un violon ou une flûte et avec un alto ou un violon; (un inconnu les a alors arrangées pour six instruments à cordes; un sixième concert pour sextuor du même auteur se rapproche énormément des morceaux La poule et L’Egyptienne). - La Dauphine, 1747.
En dépit des nombreux titres produisant l’effet d’une intention programmatique, les piéces de Rameau ne sont pas comparables à la musique descriptive baroque. Les titres ne font que paraphraser de manière poétiquement expressive des caractères foncièrement musicaux. Qu’il ne s’agisse souvent que de désignations fantaisistes, c’est là  ce que Rameau en personne a donné à entendre en déclarant qu’il importait de cacher l’art par l’art lui-même. Aussi ses compositions se laissent-elles avant tout concevoir comme études d’expression. Du point de vue du style, l’œuvre de Rameau ne peut pas être assimilée aux categories courantes. Sa musique de clavecin se rattache d’une part à celle de ses devanciers, notamment à celle de Couperin, mais elle offre déjà d’autre part, dans certains morceaux, des traits du style galant et de l’écriture préclassique, par exemple dans les accords brisés et dans les basses arpégées. Parfois aussi on perçoit la proximité de Domenico Scarlatti alors que le style allemand, contrapuntique et lié à  la basse, ne transparaît que très rarement. Mais le caractère exceptionnel de sa musique de clavecin réside incontestablement dans l’originalité du traitement mélodique ainsi que dans la couleur et l’éclat des agréments.
Dans sa rigueur, le premier livre porte encore l’empreinte de l’ère de Louis XIV, durant laquelle les innovations n’étaient pas appréciées. Dans le grand Prélude Rameau reprend dans un rythme libre et dans le style d’une improvisation la tradition de la technique du luth mais se montre au début de sa carrière sous un jour quelque peu anachronique afin de sa faire aimer du public en rendant hommage à ses prédécesseurs. Le public parisien de l’année 1706 raffolait de Couperin et de d’Anglebert, que Rameau cherche ici à égaler. Cependant le Prélude manifeste également par ses amples intervalles de basse et par les dissonances résultant de la ligne supérieure librement conduite la griffe de Rameau. Les autres danses traditionnelles - deux allemandes, courante, sarabande avec double et gigue - sont façonnées en forme de rondeau d’après la chanson française de l’époque et répondent aux normes alors en vigueur. Une Vénizienne, une gavotte et un menuet viennent s’y ajouter en tant que morceaux libres mais il arrive parfois, comme dans la basse mélodieuse de la gavotte ou dans l’écriture mélodique de la gigue, de la gigue, de percevoir un soupçon de la fantaisie de Rameau.
En 1724 Rameau semble avoir pris ses distances à l’égard de son premier ouvrage, car le titre du nouveau recueil ne fait aucune allusion au précédent. La méthode de clavecin jointe au second livre pousse plus loin la technique et introduit notamment l'arpège; son Traité de l’Harmonie ainsi que son expérience pratique s'étendant sur plus de vingt ans lui avaient donné une nouvelle assise. Le recueil de 1724 ouvre la série des œuvres de clavecin accomplies de Rameau et il établit en même temps la maîtrise du compositeur, se manifestant dans la suite en mi majeur composée des mouvements traditionnels auxquels viennent s’ajouter trois pièces libres (Le Rappel des Oiseaux, Musette en Rondeau et la Villageoise) et dans la suite composée de morceaux libres formant un groupement tonal homogène (ré majeur).
Dans la première suite les types de mouvements traditionnels sont librement traités; par rapport au recueil de 1706, l’espace tonal s’est élargi dans les deux sens, la ligne mélodique estrplus marquée. La Gigue en Rondeau n’est plus une rustique danse en sabots mais un morceau où les lignes de basse ascendantes et descendantes bercent harmonieusement une mélodie simple et rêveuse. Le Rappel des Oiseaux est une fantaisie dialoguée dans laquelle deux voix sont conduites en imitation. Ce qui importait à Rameau, ce n’était pas de représenter au moyen d’artifices d'onomatopée musicale des phénomènes naturels concrets, mais de transposer cette idée en une création musicale originale. Le Rigaudon venant ensuite est lui aussi traité en canon; le deuxième Rigaudon et son Double apportent par rapport au premier de petites variations dont la première frappe particulièrement par son caractère pompeux, "versaillais". Comme inspirée d’un paysage de Nicolas Poussin, la Musette en rondeau represente la cornemuse de la sphère bucolique. Le Tambourin est à l’origine une danse populaire provençale très rythmée, alerte et pleine d’humour dont dériva plus tard le boléro. Pour ses opéras et ses ballets Rameau a composé de nombreux tambourins dotés d’effets spéciaux mais il renonce entièrement ici ù l’exotisme, bien qu’i1 parvienne parfois à produire une impression d’espagnolisme. La Villageoise se développe progressivement dans un style extrêmement nuancé jusqu’à atteindre une atmosphère lyrique très expressive. Ce morceau est d’une importance décisive dans l’œuvre de Rameau et fait déjà pressentir, dans un aperçu rétrospectiF, Les Niais de Sologne avec leurs deux Doubles ou encore la grande Gavotte; le pas conduisant du morceau séparé, de l’expression isolé au développement d’ensemble est désormais franchi.
La deuxième suite commence par les très poétiques, mélancoliques Les Tendres Plaintes, où un thème d’une grande simplicité mélodique soumis à une subtile ornementation est accompagné d’une basse fluide, le tout fournissant un exemple typique du charme que la musique française est susceptible de dégager dans l’expression même de la tristesse. Avec Les Niais de Sologne on rencontre pour la première fois dans ce recueil un morceau de concert d’une virtuosité prononcée, évoquant des danses lourdes et grossières. L’aspect ironiquement sarcastique ne sort toutefois pas du cadre de ce que l’esthétique contemporaine reconnaissait comme la représentation appropriée du grotesque. Les batteries d’accords vers la fin du morceau engendrent en outre un brillant effet; il y a là l' influence du plein jeu de la musique d’orgue française. - Les Soupirs sont composés dans une écriture de luth afin de rendre le caractère retenu et intime du sujet, dont l'oppression et la tristesse sont suggérées par le chromatisme descendant à la basse. La Joyeuse apporte un contraste au morceau précédent et l’humour y est nettement perceptible même si l'expression de la joie est plus réservée que bruyante. L’Entretien des Muses adopte un thème qui était tout aussi en vogue dans la peinture que dans l’opéra à cette époque, celui des Muses de la mythologie antique, symbole des côtés agréables de la nature, mais le tableau musical sort de l'ordinaire, les muses s’empressant à présenter leur inégalité par rapport à l'ironie du compositeur. Dans Les Tourbillons tout est mouvement: rapides traits ascendants et descendants, arrêt et renouveau d’accélération. Tous ces effets sont cependant si bien dosés qu’à nul moment il n'en résulte une impression d’exagération. Dans l’antre des Cyclopes, on forge des métaux précieux. Les rythmes staccato battant à la basse, qui avaient été rendus possibles par le perfectionnement de la facture de l'instrument et n’avaient pas tardé à se voir également adoptées par Domenico Scarlatti, semblent avoir incité Rameau au choix de ce titre. Le recueil se termine sur deux pieces brèves, Le Lardon et La Boiteuse.
Deux morceaux extrêmement élaborés et significatifs figurent au commencement du recueil intitulé Les Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin (1728); la magnifique Allemande, qui doit être jouée en notes inégales, et la Courante. L’Allemande est une des compositions très graves, solennelles de Rameau, d’une expression lyrique et méditative. Avec ses mélodieux themes principaux, son ornementation exceptionnellement dense et ses insertions polyphoniques, elle se rapproche par sa forme de la sonate préclassique. Sombre, lourde et remplie d’inquiétude interne, la Courante est le seul morceau de Rameau écrit en contrepoint double: l'élément thématique essentiel y est repris par chaque voix qui accompagne la mélodie. Ainsi la rigueur en quelque sorte germanique du contrepoint et la légèreté française du tempo fondamental s’unissent ici pour contribuer à la gravité de l’expression.
Comme le titre le suggère déjà, il s’agit dans Les Trois Mains d’un problème d’exécution technique. Le matériau musical est disposé avec une telle densité qu’il fournit l’impression d’être joué à trois mains. Une ample ligne semblable à une cadence improvisée constitue le couronnement du morceau, dans lequel le plaisir pris à l’exécution musicale l’emporte sur tous les problèmes techniques.
A la Funfarinette avec ses accords en fanfares mais mélancoliques et à La Triomphante avec sa mélodie limpide bientôt conduite en canon succède la célèbre Gavotte.
Pour un compositeur tel que Rameau, qui se limitait pour l’essentiel, dans ses œuvres de clavecin, à des pièces brèves dotées chaque fois d’un caractère fondamental, la combinaison de plusieurs possibilités au sein d’une même œuvre, le traitement diversifié du même matériel thématique devaient constituer des virtualités stimulantes. Avec la Gavotte, dans laquelle les doubles sont des variations, il créa en recourant à ses moyens spécifiques un cas unique dans la musique de clavecin française. La Gavotte elle-même expose le thème dans une forme simple, aisément intelligible, avant que les problèmes posés par l’ornementation, par les diminutions et la répartition rythmique de celles-ci ne soient traités dans les doubles. Le Double I présente le thème à la basse avec de mélodieux agréments à la voix supérieure. Encadré de la basse, le thème apparaît en harmonisation verticale à la voix supérieure, comme variation sonore, dans le Double II. Le Double III fait alterner le thème à la basse et à la voix supérieure, les ornements reprennent en partie ceux du Double I. Avec ses répétitions
de notes finissant par se transformer en accords amplifiés, le Double IV représente une difficile étude de rythme. Après les arpèges qui prévalent dans le Double V, ce sont les octaves à la basse qui dominent dans le Double VI, tandis que la voix supérieure offre des répétitions de notes en tierces et en quintes. Certes il ne s’agit pas uniquement ici de l’importance des techniques, mais ce sont celles-ci ui ont permis cette série de variations en même temps qu’une configuration finale. L’apparence figurative et sonore revêtue par le thème est à tout moment décisive.
Après Les Tricotets et L’Indifférente viennent deux gracieux Menuets que Rameau réutilisa dans son opéra Castor et Pollux respectivement dans le prologue et, sous une forme modifiée, dans le dialogue entre l’Amour et les Grâces.
Une pièce comme La Poule, au-dessous du thème de laquelle le compositeur écrivit lui-même: co co. co. co. co. co. co. dai, ne nécessite pas de commentaire détaillé; il est pourtant significatif qu’il ait contrarié, par l’apport d’épisodes faisant contraste, l’éventuelle monotonie pouvant résulter d’un procédé onomatopéique.
Après Les Triolets, dans lesquels le conflit rythmique domine dans la relation deux contre trois, vient la danse Les Sauvages. Ici se traduit l’idée que se faisait le dix-huitième siècle de la musique des peuples non européens. Les répétitions de notes sont censées représenter les rythmes de tambours, l’extrême vitalité du traitement rythmique vise à dépeindre la sauvagerie. La danse servit de modèle au finale d’un des intermèdes des Indes Galantes, avec solistes, chœur et orchestre.
Dans son Traité de l’Harmonie Rameau qualifie l’enharmonie (procédé consistant à mettre sur le même plan un son diésé et le ton entier bémolisé lui faisant suite, par exemple fa dièse et sol bémol) de "drôle de coco", d’horreur propre à apporter partout le désordre. De cela il fournit un exem le dans L’Enharmonique où il dévoile une solution des problèmes harmoniques absolument msolite pour les oreilles de ses contemporains. Des indications verbales supplémentaires annoncent tous les effets effroyables susceptibles d’en résulter.
L’Egyptienne fait partie des morceaux d’inspiration exotique. Outre l'éclat majestueux et le mystère des Pharaons, les arpèges sont censés évoquer la harpe, le plus important des instruments égyptiens.
La Dauphine, dernière pièce de clavecin composée par Rameau, erst dédiée à la belle-fille de Louis XV, Marie-Josèphe de Saxe. Cette page noble, 'd’une pompe royale, résume une fois de plus, comme en un testament musical, toutes les possibilités que Rameau avait mises au point pour cet instrument.
La Coulican est la représentation musicale du monde persan et doit son nom au héros de l’ouvrage de Jean-Antoine Ducerceau "Thomas Kouli Khan, roi de Perse ou l’histoire de la nouvelle revolution en Perse", paru 1728.
La Livri est une musique commemorative, un "tombeau", inspiré par la mort du comte de Livry. La majestueuse mélodie endeuillée et le chromatisme descendant offert par la basse prouvent qu'il ne s'agit pas purement d’un simple hommage selon la pratique courante de l'époque.
Au XVIII siècle, Le Vézinet est encore une banlieue en pleine campagne, où l’on vient se promener, où l’on se donne rendez-vous, où l’on organise des bals et des fêtes. Avec l'humour distant de 1’observateur, Rameau brosse un tableau de cet endroit idyllique.
L’Agaçante, étude de caractère, se distingue par 1’irrégularité de son développement rythmique et par ses effets de surprise.
Rameau trace le portrait de La Timide au moyen d’une mélodie extrémement délicate, conduite a deux voix en sixtes.
C’est avec un thème très bref se présentant sous des formes toujours renouvelées que Rameau, dans L'Indiscréte, fustige les faiblesses humaines.

Jean Dupuit